Que ce soit à Villejuif, pour les hommes, ou à Fresnes, pour les femmes, les ateliers de shiatsu s’inscrivent dans un proche avenir au sein de nouveaux programmes mis en place par la Direction de l’administration pénitentiaire et ce, en dépit du turnover des équipes : responsables, référents, personnel encadrant, surveillants.
Présentation et contexte
Cette démarche est rassurante car le dispositif global est renforcé, en dépit du contexte sanitaire, au moyen de sessions plus longues à Villejuif et d’un programme d’évaluation de la radicalisation qui a été envisagé à Fresnes. La nouvelle formule appliquée à Villejuif a été préalablement présentée lors d’une réunion organisée en présence du juge de l’application des peines, du médecin référent, des alcooliques anonymes, entre autres, parmi les 20 associations qui interviennent sur des sujets relevant de la santé ou de l’insertion par le travail. La particularité et la force de l’action de l’EQST résident dans la relation au détenu, homme ou femme, dont la pratique de soin ne nécessite aucune question personnelle sur son passé.
De fait, l’ancrage du shiatsu au sein de l’univers carcéral semble désormais acquis. Cette évolution participe certainement d’une réflexion des responsables de la pénitentiaire qui a intégré l’intérêt de s’occuper du corps en lien avec l’esprit. Ainsi, les surveillants en parlent mieux, les bénéficiaires accueillent avec moins de doute la pratique de ceux qui sont dévoués à leur progrès.
En réalité, le travail de fond, entamé en 2016 à Villejuif, avec constance et sérieux, par une équipe de praticiens renouvelée en partie depuis, autour de Franck au départ, et désormais de Philippe, avec Dominique, Hervé, Marc-Antoine et Eric, a fait ses preuves localement ; le rendez-vous obtenu au cabinet de la ministre, puis la tournée des services administratifs par Bernard a transformé l’essai et permis que l’EQST, dont les membres sont tous issus de l’école EST en relation avec le Sei Shiatsu Do, devenue visible, soit référencée sur le plan national comme une association de qualité.
À Villejuif
À Villejuif, la relation aux jeunes délinquants s’est installée dans la confiance. Ceux-ci ont découvert qu’il n’est pas question d’identité, mais que le rapport humain ainsi établi entre deux êtres va bien au-delà, au travers du soin. Et la main posée sur leur corps par un autre homme, le praticien, est vécue comme bienveillante.
Franck, Philippe et Hervé témoignent : « Dans le programme prévu en 2022 sont adossées, de manière complémentaire au shiatsu, des séances de méditation. Cette décision relève de l’administration pénitentiaire qui a visiblement la volonté d’explorer et d’exploiter de nouvelles dimensions de l’Être. Et si, avec humilité bien sûr, le shiatsu avait inscrit quelque chose de nouveau dans un système qui semblerait capable de s’ouvrir à d’autres univers que le sien ? Merci et bravo à tous les praticiens qui ont, avec leurs mains et leur cœur, donné au shiatsu au QPE une assise si solide. »
À Fresnes
À Fresnes, Cécile, Florence et Séverine sont des exploratrices au sein de l’univers carcéral dédié aux femmes.
En effet, la Maison d’Arrêt des Femmes de Fresnes (MAF) a accueilli un atelier shiatsu depuis mi-2021. Sous la responsabilité d’organisatrice de Cécile, Florence et Séverine sont également heureuses d’apporter du mieux-être, de la douceur, de l’attention aux femmes détenues, avec cœur et simplicité. Elles y consacrent du temps, de l’énergie et une grande implication.
Cécile : « On leur créé une vraie bulle de ressourcement avec nos tapis, des beaux tissus, coussins, couvertures doudous, et même de la musique. Elles disposent de fait d’un espace où elles s'abandonnent (souvent à partir de la 2ème séance) et s'endorment; les séances sont une vraie parenthèse où elles peuvent lâcher prise et oublier l'espace d'un instant l’univers carcéral, extrêmement sonore et empreint de tensions. Nos visites sont attendues chaque semaine, et au fil des séances, on remarque que les regards, pleins de gratitude, s'adoucissent, les attitudes sont plus calmes, une reconnexion à l’autre, à l’humain, s’effectue. Le suivi sur 4 séances a un véritable impact sur elles, et certainement aussi sur le personnel surveillant du fait qu’elles soient plus tranquilles voire plus coopératives. »
Florence : « C’est une très belle expérience qui m'a été offerte de vivre que de donner des shiatsu à des femmes détenues à la MAF. Ce sont des femmes parfois très jeunes, ne parlant souvent pas un mot de français ni d'anglais, plus souvent le taki taki, et de milieu défavorisé. Elles ont des douleurs dorsales dues aux mauvaises conditions de logement et aux activités développées sur place. Elles sont également percluses de stress, fatiguées, marquées, et sont très réceptives à nos soins. Si à la première séance, l’appréhension est là, la confiance se gagne rapidement, la bienveillance est captée, puis le regard, le visage changent. "J'ai rêvé de ce moment tous les jours" ai-je pu entendre, mais également "C'était comme dans un rêve", "C'était génial !", des phrases qui donnent sens à notre pratique, celui d'apporter un peu de confort et de douceur à ces femmes dans leur épreuve. »
Séverine :« Au premier contact, elles observent. Les yeux sont ouverts. Elles parlent peu. Leur point commun : le mal de dos, souvent lié à leur matelas. La séance commence. Les mains se posent, les tensions se dénouent au fur et à mesure. Elles se laissent aller à la fin de la séance, plus détendues, la confiance s’instaure. Après la séance, Mme X, d’origine Bulgare, qui ne parle pas français, se relève. Elle souffle pour sentir sa poitrine libérée. Tout d’un coup, elle pleure et me prend dans ses bras. Z rit. Elle rit tout le temps. « J’adore quand on me masse les mains et la tête ». Elles ont hâte de revenir la semaine suivante. Quel que soit leur âge et leur culture, elles partagent leurs ressentis au fil du temps. Souvent fatiguées après la séance, elles se sentent mieux et plus apaisées. »
Un nouvel atelier
Ce bilan d’activité déjà positif sur quelques mois permettra peut-être d’ouvrir la voie à un nouvel atelier plus spécifiquement dédié à l’évaluation de la radicalisation, qui sait.
Villejuif, puis Fresnes, le chemin se fait dans les esprits et progresse sur le terrain. Ne pourrait-on rêver désormais qu’il s’installe durablement en formation délivrée directement au sein des établissements pénitentiaires ?
Paroles de Dominique, praticien à Villejuif
« Faire revivre dedans et aller vers dehors »
« Il y a tout à dire, pour aider à faire revivre dedans et aller vers dehors.
Toucher le corps dans les conditions proposées permet avant tout, selon mon expérience, de faire respirer celui qui souhaite raccourcir sa peine de prison.
Le corps souffre par son passé, son histoire.
Le corps et aussi le cœur.
Ici, dans ce que propose l'Eqst, chacun est à égalité à l'instant où il reçoit le Shiatsu.
Ces soins permettent de faire respirer et aussi de retourner à l'origine...
À l'énergie première où tout est tourné vers la vie.
Retrouver les traces, les paysages, la circulation dans les réseaux méridiens,
Retrouver la joie du cœur.
C'est peut-être ambitieux, mais ces ateliers peuvent proposer cette direction.
Pour la majorité des receveurs, après la première séance, il y a comme une confiance, un 'lâcher-prise' qui s'effectue et le soin n'en est que meilleur.
C'est une belle expérience pour chaque praticien. Ces ateliers donnent un sens bénéfique supplémentaire à notre pratique.
Et quelle que soit la suite du parcours du receveur, il aura reçu. »
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