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Propos sur l’Art du Geste dans le Shiatsu par Bernard Bouheret


« Rien n’est séparé de rien

et ce que tu ne comprendras pas dans ton corps

tu ne le comprendras nulle part ailleurs »

UPANISHAD




J'ai initié, dans notre école, depuis de nombreuses années, une transmission que j'ai nommée « Art du geste » et qui, au fil du temps, aborde différents sujets. J'aimerais ici en dire deux mots.

J'ai maintes fois remarqué, lorsque je donne des stages, que la technicité du geste, l'ergonomie de la main, les postures, la distance, la respiration, la profondeur, l'intensité, tous ces thèmes qui sont tour à tour abordés dans ces journées dites « Art du geste » ne sont pas suffisamment approfondis au cours des enseignements respectifs. Et nous devons y veiller. Comme nous avons coutume de le dire, les praticien-es, ne se sont pas forgé un corps de Shiatsushi.

Yuji Namikoshi, le petit-fils du grand senseï si connu au Japon et dans le monde entier, a une phrase célèbre qui circule sur les réseaux : « Si tu n'exerces pas tes pressions correctement, tu resteras un débutant toute ta vie. » Et je partage totalement son avis.

Nous avons donc pensé qu'il était important de remettre l'accent sur les fondamentaux, sur le geste juste, juste le geste…

Il y a quelques années, j'ai invité en stage un professionnel de la batterie et de la percussion qui ne s'est pas gêné de dire au groupe de shiatsu qui l’écoutait, que très régulièrement il retournait à son instrument rejouer les fondamentaux, les rythmes de base, pendant plusieurs heures, voire une journée entière pour reprendre à zéro, repartir avec l'esprit du débutant, ne pas penser qu'il savait déjà, malgré ses 40 ans de pratique. Je me suis régalé à l’écouter tellement je me suis retrouvé dans ces propos. C'est un peu cet état d'esprit que je veux retransmettre et retranscrire dans ces fameuses journées "Art du geste". Le plaisir de reprendre les bases, de répéter les gestes, d’observer sa posture, de constamment chercher la détente qui n’est jamais acquise. Garder l'esprit du débutant, c'est justement le meilleur moyen pour ne pas rester un débutant !


Au mois de mars 2023, cet enseignement qui est diffusé dans l’école de Paris, va voyager pour la 1ère fois. Pendant 3 jours, dans les montagnes de l'Auvergne, devant la chaîne des Puys, nous allons enseigner cet art du geste, cette attention toute particulière qui est absolument fondamentale dans la pratique et pour laquelle nous avons une affection sincère.


La 1ère journée sera dédiée à l'intensité et à la profondeur que nous devons mettre dans nos pressions sur les différentes régions du corps. En effet, on ne dispense pas les mêmes pressions sur le dos que sur le ventre, on ne pratique pas les mêmes pressions au ventre que sur les bras, on n’exerce pas les mêmes pressions à la cuisse comme aux mollets… Le corps doit être compris comme un paysage, avec des montagnes et des vallées, avec des lacs et des cavernes, avec des sources et des nuages. Et de cela les taoïstes ont toujours voulu rendre compte.


Mon corps est un pays, un pays sage


La 2e journée sera dédiée aux couples de force et à la force du couple comme j'aime à le dire, car il est évident que la bonne pratique réside dans le mouvement harmonieux des deux mains et cette union dans la pratique, cet effet miroir, est absolument indispensable pour un bon shiatsu.

Mon corps est le lieu parfait du plus bel équilibre. Ce que je ne trouverai pas dans mon corps, je ne le trouverai nulle part ailleurs nous disent les Upanishad de l’Inde antique.


La 3e journée sera dédiée au rythme et à la mélodie, car là aussi, chaque partie du corps vibre, chante et se décline à un certain rythme qui lui est propre, et de cela le thérapeute Shiatsu doit toujours tenir compte. On ne pratique pas avec le même rythme sur le dos que sur la plante des pieds ou la paume des mains. On ne pratique pas sur la tête avec le même rythme que sur le ventre. Tout comme nous avons vu les différences qui peuvent exister dans l'intensité et la profondeur, on les retrouve dans le rythme, et le shiatsushi doit savoir entendre ce rythme dans le corps pour savoir si les différentes parties sont reliées entre elles, comme dans une partition de musique. Il devra pour réenchanter le corps s'apercevoir que chaque segment est joué comme une phrase musicale, et il œuvrera avec le fameux legato des musiciens. Et quand un corps ne chante plus me direz-vous ? Et bien c'est qu'il est malade !


Mon corps est l’instrument de la plus belle musique !


Oui le Shiatsu est un ART !


Je m'aperçois aujourd'hui que dans les enseignements successifs, une grande importance est donnée à la stratégie, aux points choisis, à l'étiologie, à la pathologie (et je, m'en fais aussi l’écho), mais il ne faut pas oublier que les vieux maîtres Japonais ou Chinois ne travaillaient pas comme cela. Avant tout il faut chercher l'harmonie dans le corps, et pour rétablir l'harmonie dans un corps malade ou fatigué il nous faut nous-mêmes rétablir l'harmonie dans nos mains, et puiser dans cette capacité qu'auront les gestes de pénétrer le corps, de le fluidifier, de l'unifier, de restaurer la libre circulation du Qi.


Je viens de donner un stage à Bruxelles dont le thème était « Qi Gong et Shiatsu », et nous avons abordé (et je l’espère démontré) le fait qu'il n'y avait aucune différence entre un pratiquant de Qi Gong et un praticien de shiatsu. Le praticien de shiatsu doit travailler avec les mêmes outils que celui du Qi Gong pour restaurer la libre circulation de l’énergie, et la phrase maîtresse qui vient à nous est « L'eau qui court jamais ne croupit » .

Le Shiatsu est un Qi Gong ! Le Qi Gong est un soin que l’on se donne !

Voilà ce que nous allons travailler pendant toutes ces journées "Arts du geste", tous et toutes uni-e-s dans un même souffle. Le Qi Gong précédera toutes les pratiques de Shiatsu, car c’est d’abord en nous que le Qi doit bien circuler.

  • Comment rétablir la libre circulation du Qi chez notre receveur si elle n'est pas libre dans nos mains, dans notre corps, dans notre cœur, n’est-ce pas ?

  • Comment atteindre la bonne profondeur des points avec la bonne intensité, au moment propice - ce que les Japonais appellent le Ki Do Ma - s'il n'existe pas en nous et si nous n'en avons même pas conscience ?

Il est donc très important que dans notre enseignement, quelle que soit la lignée ou le style de notre école, nous réservions certaines plages horaires, certaines journées, certains stages uniquement dédiés à la pratique, à l'attention à l'autre, à la bienveillance, à la position des mains, des pouces, des coudes, des épaules, au bon engagement de la hanche et des reins, à la stabilité des pieds dans le sol, à l'ouverture du cœur et de la tête au ciel. Bref, pour être bien alignés !


Notre corps est notre première maison, et cette maison veut et peut devenir un temple. Notre corps est aussi un véhicule qui doit bien conduire le Qi-Ki pendant toute la vie terrestre afin de gagner l’autre rive sereinement.


La pratique du shiatsu est une pratique ancestrale qui vient de l'origine des humains - la main sait avant le cerveau ce qu'elle doit faire - et la main réalise ce que dicte le cœur nous dit le vieux Taoïste Zhuang Zi. Certains, d'ailleurs, que l'on nomme guérisseurs, n'ont jamais eu besoin d'apprendre, car leurs mains partent et se dirigent tout droit vers la douleur, vers la difficulté, vers la restriction, vers la stagnation, et cherchent la libération. Voilà ce que nous allons essayer de retrouver dans ces journées : une écoute naturelle, corporelle, non mentale, une exploration de l'unité du corps.

Pour finir ce propos, ce dont je voudrais ici témoigner, c'est que dans la discipline du shiatsu le praticien doit dédier sa vie à son art et à sa discipline, elle-même devenue un art de vivre qui devient à son tour une pratique au quotidien. C'est pourquoi les japonais ont nommé toutes ces pratiques qui réclament l'union du corps, du cœur et de l'esprit, « Dô ». À la différence d'un métier, elles obligent toutes les sphères de l'individu à se réunir et à ouvrir le regard vers un même but: l'union, l'harmonie, la paix du corps et de l'esprit.

  • Puissent nos mains réaliser ce que dicte le cœur.

  • Puisse notre cœur être en accord avec le Ciel.

  • Puisse le Ciel pénétrer notre Cœur-Esprit et l'éclairer par la grâce des Esprits Lumineux.


Voici mon vœu le plus cher pour toutes celles et ceux qui cheminent et cherchent la lumière sur la Voie du Shiatsu. C’est le chemin que j’ai moi-même emprunté et qui m’apporte cette joie inestimable… et qui ne faiblit pas.




« En silence, convoqué par l’Empereur d’en Haut,

Un beau jour, je prends mon envol.

Le sage peut facilement comprendre,

L’ignorant difficilement pratiquer ».

Le livre du Sceau du Cœur



 


Bernard Bouheret donnera un stage sur l'art du geste « Posture, main sûre, Cœur pur » les 10, 11, 12 mars 2023 à Clermont-Ferrand.





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